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verts de terre. Ceux qui travaillent dans les carriéres de marbre sont dans la même prévention, et croyent, plûtost par tradition que par bonnes raisons, que les pierres croissent véritablement par un principe interieur, comme les Truffes et les Champignons ; ainsi le préjugé touchant la vegétation des fossiles est bien plus étendu qu’on ne s’imagine, mais ce n’est pas sur ce préjugé qu’il en faut juger, c’est sur des observations bien vérifiées.

Nous faisions assez bonne chere dans le Monastere des Trois Eglises où nous êtions logez à nôtre aise : comme il n’y avoit pas beaucoup d’étrangers, nous avions autant de chambres que nous en voulions. Les Religieux, qui sont la pluspart Vertabiets, c’est à dire Docteurs, boivent à la glace, et nous en faisoient donner suffisamment ; mais ils n’ont pas de secret pour chasser les cousins de leur Couvent. Nous êtions obligez la nuit de quitter nos chambres et de faire porter nos matelats dans le Cloître ou autour de l’Eglise, sur un pavé de grands carreaux bien entretenus. Les cousins y étoient moins incommodes que dans les lieux couverts, mais cela n’empeschoit pas qu’ils ne suçassent beaucoup de nôtre sang ; nous avions tous les matins le visage couvert de boutons, malgré toutes nos précautions. Les parterres qui sont sur la gauche de l’Eglise sont fort agréables. Les Amaranthes et les Oeillets en font les principaux ornemens ; mais ces fleurs n’ont rien de singulier ni qui merite qu’on en porte les graines en ce pays-ci, au contraire les curieux de Perse s’accommoderoient beaucoup mieux des especes qu’on éleve en Europe. Nous ne cueïllîmes dans les parterres du Couvent que la graine de cette belle espece de Persicaire dont les feüilles sont aussi grandes que celles du Tabac, et que nous avions observée à Teflis dans le Jardin du Prince. Voici la description d’une belle es-