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sommes si accoûtumez à nous écarter en herborisant, qu’il n’est pas surprenant que je m’égare quelquefois dans les lettres que vous m’avez permis de vous écrire.

Je reviens à notre Caravane. Elle partit le 8 Juillet sur les neuf heures du matin, et marcha jusques à une heure aprés midi à travers de grandes campagnes peu cultivées, mais excellentes à ce qu’on nous dit. Nous y observâmes de fort belles Plantes, comme nous avions fait le jour précedent ; mais voila tout, car on n’y voit ni ville ni villages, pas même la moindre brossaille. On dressa nos tentes auprés d’un ruisseau qui fait moudre un moulin, je ne sçai à quel usage ; car nous ne rencontrâmes pas une ame pendant toute la journée.

La route du 9 Juillet fut bien plus agréable. Quoiqu’on nous eût fait partir à trois heures du matin, nous nous retirâmes sur les dix heures aprés avoir passé par des montagnes peu élevées, sur lesquelles on voit des Pins de la même espece que ceux de nôtre montagne de Tarare. Ce changement de décoration ne laisse pas de réjoüir en voyageant : Il n’y a rien de plus ennuyeux que de marcher dans ces grandes plaines où l’on ne voit que la terre et le ciel, et sans les Plantes qu’on y trouve j’aimerois mieux être sur mer, je veux dire pendant le calme ; car j’avoüe tout naturellement que dans la bourrasque on donneroit tout ce qu’on a au monde pour se pouvoir transporter dans la plaine la plus ennuyeuse. On campa ce jour-là à Coroloucalesi village que l’on peut appeller en françois la Tour de Corolou. Notre moisson fut assez belle ; et comme l’érudition me manque ici, car je ne sçai ce que c’est que Corolou ni sa Tour, vous me permettrez de vous envoyer la description d’une Plante qui fait encore aujourd’hui les délices de Mr le Premier Medecin. Elle a fort bien levé, bien fleuri et bien