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Nous allâmes chez le Beglierbey lui baiser la veste, et demander la continüation de sa protection. Il eut la bonté de nous faire remercier des soins que nous avions pris de sa santé, et de toute sa maison. Il nous prevint sur les Lettres de recommendation que nous souhaitions pour le Pacha de Cars, et nous fit encore expedier une Patente fort avantageuse où il se loüoit de nôtre capacité en fait de Medecine, et dans laquelle il rendoit de bons témoignages de nôtre conduite.

Nous partîmes d’Erzeron le 6 Juillet pour Teflis, et nous nous rendîmes à Elzelmic village au Nord-Est à trois heures de la ville. Nôtre Caravane composée de marchands, dont les uns alloient à Cars et à Teflis, les autres à Erivan, quelques-uns à Gangel, n’étoit qu’environ de deux cens hommes armez de lances et de sabres ; quelques-uns avoient des fusils et des pistolets. La campagne d’Erzeron jusques à moitié chemin d’Elzelmic est fort seche ; ses collines sont pelées. On entre ensuite dans une plaine fermée à droit et à gauche par des eminences où il y avoit encore assez de neiges. Il en tomba beaucoup aux environs d’Erzeron la nuit du second au troisiéme Juillet.

Le 7 Juillet nous partîmes à trois heures et demi aprés minuit, et nous campâmes sur les dix heures auprés d’un village appellé Badijoüan, aprés en avoir laissé un autre en arriere, dont j’ai oublié le nom. On ne voit aucun arbre dans tout ce quartier lequel d’ailleurs est plat, bien cultivé et arrosé avec autant de soin que la campagne d’Erzeron. Sans cette précaution la moitié des bleds seroient rotis : neanmoins cela paroit assez étrange, car de ces mêmes champs qu’on est obligé d’arroser, on découvre la neige sur les collines voisines. Au contraire dans les Isles de l’Archipel, où il fait des chaleurs à calciner la terre et où il ne pleut que pendant l’hiver, les bleds sont les