Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le feu n’avoit pû devorer. Il en fit sortir plusieurs chevaux et autres bêtes de somme. Zonare raconte à peu prés la même chose de la destruction d’Artze, mais il ne parle pas de Theodosiopolis. Cet auteur assûre seulement qu’Artze êtoit sans murailles, et que ses habitans en avoient fortifié les avenuës avec du bois ; je crois qu’ils consumérent tout celui qui étoit aux environs, car depuis ce temps-là l’espece s’en est perduë. Comme la Place fut réduite en cendres, et que ce passage est absolument nécessaire pour le commerce, il y a beaucoup d’apparence que les restes de ces pauvres habitans, et les marchands étrangers qui s’y vinrent êtablir dans la suite, pour ne pas tomber dans un pareil malheur, se retirérent à Theodosiopolis qui en étoit tout prés, suivant Cedren.

Les Turcs à qui peut-être le nom de Theodosiopolis parut trop long et trop embarrassant, donnérent le nom d’Artzé-rum à cette Place, c’est à dire Artze des Grecs ou des Chrétiens, car Rum ou Rumili signifie en langue Turque la Romanie ou la terre des Grecs. Ils distinguent la Romelie ou Rumili en celle d’Europe et en celle d’Asie, ainsi d’Artzé-rum on a fait Arzerum, et Erzeron, comme prononcent la pluspart des Francs. Il ne faut pas confondre cette ville de Theodosiopolis avec une autre ville de même nom, qui étoit sur le fleuve Abhorras en Mesopotamie, et que l’Empereur Anastase avoit fait revêtir de fortes murailles, comme l’assûre Procope. Ce même auteur fait mention de la Theodosiopolis dont nous parlons. On croit que c’est Orthogul pere du fameux Othoman premier Empereur des Turcs, qui prit Erzeron, mais cela n’est pas certain, car l’Armenie avoit encore ses Roys sous Selim premier. La ressemblance des noms a persuadé à plusieurs qu’Erzeron étoit la ville d’Aziris, que Ptolomée place dans la petite Armenie.