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La conference de l’Evêque et des Curdes ne laissoit pas de nous inquietter par sa longueur. Il y avoit bien loin de là au Monastere pour se retirer en chemise ; et que sçait-on si ces gens qui sont accoûtumez à faire des Eunuques, n’auroient point eû envie de nous metamorphoser ainsi, dans l’esperance de nous vendre mieux ? Nous fûmes un peu rassurez quand nôtre Drogman Armenien vint nous dire que les Curdes avoient donné un fromage à l’Evêque. En même temps le vieillard s’avança pour prendre un flacon d’eau de vie qu’il leur presenta. Nous fîmes demander à ce bon homme de quoi il s’agissoit, il répondit en souriant que les Curdes étoient de méchantes gens, mais que nous n’avions rien à craindre ; que l’ancienne amitié qui étoit entre eux et la venération qu’ils avoient pour l’Evêque, nous mettroient à couvert de tout. En effet aprés qu’ils eurent bû l’eau de vie, ils se retirérent et l’Evêque revint à nous avec un visage fort gay. Nous ne manquâmes pas de le faire remercier de tous les soins qu’il s’étoit donné pour nous garentir des insultes de ces loups ravissans, et nous continuâmes à faire nos observations sur les Plantes. Il y en a de fort belles autour de ces sources. Leur concours fait la branche de l’Euphrate, que nous avions presque toujours suivie depuis le Monastere, et qui va passer à Elija. On y prend des Truites avec la main, dont nous fîmes grande chere tout le jour, mais nous les trouvâmes si molles le lendemain, que nous n’en voulumes pas gouter. Jusques-là nous fûmes bien contens de nôtre journée. Nous fîmes demander à l’Evêque s’il ne seroit pas possible d’aller voir l’autre branche de l’Euphrate laquelle va se joindre à la premiere, à Mommacotum. Il nous dit en riant qu’il ne connoissoit pas les Curdes de ce quartier-là, et que nous n’y verrions que des sources semblables à celles que nous venions de quitter. Nous le re-