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lu dans la ville, ils se trouveroient tous les jours exposez aux violences de leurs voisins et n’auroient aucune justice des Officiers. Le Grand Seigneur ne donne par jour aux veritables Janissaires du pays, que depuis cinq aspres jusqu’à vingt ; l’Aga profite de cet argent.

Les Armeniens ont un Evêque et deux Eglises dans Erzeron. Ils ont quelques Monasteres à la campagne comme le grand Couvent, et le Couvent rouge. Ils reconnoissent tous le Patriarche d’Erivan. Pour les Grecs, ils ont aussi leur Evêque dans la ville, mais ils n’y ont qu’une Eglise qui est fort pauvre. Ils sont presque tous Chauderonniers et occupent le fauxbourg où ils travaillent à mettre en vaisselle le cuivre qu’on y apporte des montagnes voisines. Ces pauvres gens font un tintamarre horrible jour et nuit, car ils ne cessent de forger, et les Turcs aiment trop la tranquillité pour souffrir qu’on batte l’enclume dans la ville. Outre cette vaisselle que l’on transporte en Turquie, en Perse et même chez le Mogol, on fait un grand commerce à Erzeron de fourrures et sur tout de celles de Jardava ou Zerdava, ce sont des peaux d’une espece de Martre assez commune dans le pays. Les peaux les plus foncées sont les plus estimées ; on compose les plus prétieuses fourrures avec les seules queües, à cause qu’elles tirent sur le noir, c’est ce qui les rend si cheres, car il faut bien assembler des queües de ces animaux pour en doubler une veste. On apporte aussi à Erzeron beaucoup de Gales de cinq ou six journées de la ville, et l’on y conserve les Chesnes avec soin par ordre du Pacha ; le bois seroit d’ailleurs trop cher si on l’y apportoit pour brûler.

Cette ville est le passage et le reposoir de toutes les marchandises des Indes, sur tout lorsque les Arabes courent autour d’Alep et de Bagdat. Ces marchandises dont