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dessus étoit couvert de toile cirée, le reste étoit grillé de tous côtez avec plus de soin que ne le sont les parloirs des Religieuses les plus austeres. Quelques-unes de ces littieres ressembloient à des cages posées sur le dos d’un cheval, et elles étoient couvertes d’une toile peinte soutenuë par des cerceaux ; on ne sçavoit si elles renfermoient des singes, ou des animaux raisonnables.

Le Chaia étoit le premier Officier de la maison. Nous n’avons pas de Charge parmi nous qui réponde à celle-là, car il est plus qu’Intendant, et comme le subdelegué du Maître. Souvent même il est le maître du Maître. Le Divan Effendi, ou Chef du Conseil, étoit le second Officier. Le Pacha avoit son Cotja ou Aumônier qu’ils appellent aussi Mouphti, plusieurs Secretaires, soixante et dix Bossinois pour sa garde, une infinité de Chaoux, de musiciens ou joüeurs d’instrumens, une effroyable quantité de valets de pied ou Chiodars, sans compter les Pages. Son Medecin étoit de Bourgogne, et son Apoticaire de Provence : Où est-ce qu’il n’y a pas de François ?

Le Chaoux Bachi ou Chef des Chaoux, marchoit une journée par avance portant une queuë de cheval pour marquer le Conac, c’est à dire le lieu où le Pacha devoit camper. Le maître Chaoux en recevoit l’ordre tous les soirs, comme font nos Maréchaux de Logis. Il avoit à sa suite plusieurs Officiers pour disposer le camp, et beaucoup d’Arabes pour dresser les tentes. Tous ces gens marchoient à cheval avec des lances et des bâtons ferrez. La musique du Pacha n’étoit desagréable qu’en ce qu’on répetoit toujours le même air ; comme si les musiciens n’eussent sçu qu’une seule chanson. Quoique leurs instrumens soient differens des nôtres, nos oreilles s’en accommodoient assez. Un jour le Pacha m’ayant fait l’honneur de me demander comment je trouvois sa musique, je lui