Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tagnes, et même plusieurs maisons dans Trebisonde ; nous y logions dans un grand Couvent qui leur appartenoit et qui étoit partagé en plusieurs galetas : A quoi sert tant de bien quand on n’en peut pas joüir ? Ils n’oseroient faire bâtir une belle Eglise ni un beau Couvent, de crainte que les Turcs n’éxigeassent d’eux les sommes destinées pour ces bâtimens, quand l’ouvrage seroit commencé.

Aprés avoir visité les environs du Couvent, où il y a des plantes qui amusent le plus agréablement du monde, nous montâmes jusques aux lieux les plus élevez, que la neige n’avoit abandonnez que depuis quelques jours, et d’où nous en découvrions d’autres qui en étoient encore chargez. Les gens du pays appellent Πεύκος les Sapins ordinaires, qui ne different en rien de ceux qui naissent sur les Alpes et sur les Pyrenées ; mais ils ont conservé le nom d’Ελάτη pour une autre belle espece de Sapin que je n’avois veû encore qu’autour de ce Monastere. Son fruit qui est tout écailleux et comme cilindrique, quoiqu’un peu renflé, n’a que deux pouces et demi de long sur huit ou neuf lignes d’épaisseur, terminé en pointe, panché en bas et pendant, composé d’écailles molles, brunes, minces, arrondies, lesquelles couvrent des semences fort menuës et huileuses. Le tronc et les branches de cet arbre sont de la grandeur de celles du Picea ordinaire. Ses feüilles n’ont que quatre ou cinq lignes de long, elles sont luisantes, vert-brun, fermes, roides, larges seulement de demi ligne, relevées de 4. petits coins, et rangées comme celles de nos Sapins, c’est à dire en branche aplatie.

Il fallut quitter ce beau pays pour venir à Trebisonde chercher nôtre bagage. On nous avertit fort à propos que le Pacha venoit de partir, et ce n’étoit pas une fausse allarme ; car nous le rencontrâmes en chemin. Dieu