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bas, et dont les feüilles sont tres menuës. La fleur varie aussi, car il y en a dont les feüilles ont jusques à dix lignes de long. Les feüilles sont ameres, un peu gluantes et sentent la résine.

Le 21 May nous passâmes devant Cerasonte ville assez grande bâtie au pied d’une colline sur le bord de la mer, entre deux rochers fort escarpez. Le Château ruiné qui étoit l’ouvrage des Empereurs de Trebisonde, est sur le sommet d’un rocher à droite en entrant dans le port, et ce port est assez bon pour des Saiques. Il y en avoit plusieurs qui n’attendoient que le vent favorable pour aller à Constantinople. La campagne de Cerasonte nous parut fort belle pour herboriser. Ce sont des collines couvertes de bois où les Cerisiers naissent d’eux-mêmes. Saint Jerosme a crû que ces sortes d’arbres avoient tiré leur nom de cette ville, et Ammian Marcellin assûre que Lucullus fut le premier qui fit transporter de là les Cerisiers à Rome. On ne connoissoit pas, dit Pline, les Cerisiers avant la bataille que Lucullus remporta sur Mithridate, et ces arbres ne passerent que cent vingt ans aprés en Angleterre. Cerasonte, selon Arrien, fut nommée dans la suite Pharnacia, c’étoit une Colonie de Sinope à qui elle payoit tribut, comme le remarque Xenophon : cependant Strabon et Ptolemée distinguent Pharnacia de Cerasonte. Ce fut à Cerasonte que les Dix mille Grecs qui s’étoient trouvez lors de la bataille de Babylone dans l’armée du jeune Cyrus, passérent en reveüe devant leurs Generaux. Ils y séjournérent dix jours, et leur armée aprés tant de fatigues ne s’y trouva diminüée que de 14. cens hommes. On distinguoit dans ce temps-là les villes grecques, c’est à dire les Colonies des Grecs sur les côtes du Pont-euxin, des autres villes bâties par les gens du pays, que les Grecs regardoient comme des barbares et