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fleurs sentent comme celles du Muguet ; elle aime les lieux gras et qui sont à l’ombre.

Le 14. May aprés avoir fait 28 milles, nous relachâmes à l’embouchûre de la petite riviere de Vatiza, tout prés d’un village du même nom, où l’on alla prendre des rafraîchissemens ; le vent étoit au Nord et la mer un peu grosse, ainsi l’on tint conseil de Marine ; et comme les avis étoient partagez, le Pacha balançoit s’il avanceroit ou non. J’eus l’honneur de le déterminer à rester, non seulement ce jour-là mais encore le lendemain, l’asseûrant, foy de Medecin, que les malades de sa maison avoient besoin de repos et sur tout son Predicateur qu’il honoroit de son estime. Aprés tout, ce repos fit du bien et du plaisir aux malades ; les seuls Matelots grondoient, parce qu’étans payez pour tout le voyage, ils auroient bien voulu profiter du temps. Pour moi j’étois ravi d’aller courir dans un si beau pays, et je m’embarrassois peu de leurs discours. Les collines de Vatiza sont couvertes de Laurier-Cerize et d’un Guaiac de Padoüe plus haut que nos plus grands Chênes ; nous ne pouvions nous lasser de les admirer. On y voit une espece de Micocoulier à larges feüilles, dont les fruits ont demi pouce de diametre. Nous y observâmes encore une infinité de belles plantes ; mais il fallut en décamper le jour suivant. La mer parut encore agitée aux gens de la suite du Pacha ; et quoique les Matelots assûrassent qu’elle étoit aussi tranquille que de l’huile, car c’est une comparaison dont on se sert par tout sur mer, nous ne fîmes que 20 milles avant disner. On relâcha au pied d’un vieux Château démoli, dont on ne sçut nous apprendre le nom ; nous nous en consolâmes, les masures ne marquant rien qui sentisse l’antiquité. Il ne faut pas, Msgr, sur cette relation vous faire une idée desavantageuse de la mer Noire ; nous n’a-