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dre, et que ce fut à l’occasion d’une réponse de ce Philosophe ; car le Prince l’ayant honoré d’une de ses visites à Corinthe, lui demanda s’il avoit besoin de quelque chose : Diogene lui répondit, qu’il n’avoit besoin que de la chaleur du Soleil, et qu’il le supplioit de se ranger pour ne pas l’en priver. On voit son Epitaphe sur un ancien marbre à Venise dans la cour de la maison d’Erizzo ; elle est au dessous de la figure d’un Chien qui est assis sur son derriere, et on peut la traduire ainsi.

Dem. Parle donc Chien, de qui gardes-tu le tombeau avec tant de soin ? Rép. Du Chien. Dem. Qui estoit donc cet homme que tu appelles Chien ? Rép. C’étoit Diogene. Dem. D’où est-ce qu’il étoit ? Rép. De Sinope, c’est lui qui vivoit autrefois dans un tonneau, et qui a presentement les astres pour domicile.

Au reste la terre de Sinope de laquelle Strabon, Discoride, Pline et Vitruve ont parlé, n’est pas verte, comme plusieurs personnes le croyent, s’imaginans que la couleur verte que l’on appelle Sinople en terme de Blazon, en a tiré son nom. La terre de Sinope est une espece de Bol plus ou moins foncé, que l’on trouvoit autrefois autour de cette ville et que l’on y apportoit pour le distribuer. Ce qui marque que ce n’étoit autre chose que du Bol, c’est que les autheurs, que l’on vient de citer, assûrent qu’il étoit aussi beau que celui d’Espagne : tout le monde sçait qu’on trouve de tres beau Bol en plusieurs endroits de ce Royaume, où on l’appelle Almagra ; et ce Bol, suivant les apparences, est un Safran de Mars naturel. Il se peut faire neanmoins qu’il y ait quelque espece de terre verte dans la campagne de Sinope, car Calcondyle assûre qu’il y a d’excellent cuivre aux environs, et je crois que la terre verte que les anciens nommoient Theodotion n’étoit proprement que du vert de gris naturel, tel qu’on le