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Turcs, parmi plusieurs chapiteaux, bases et piédestaux de même espece : ce sont les restes des débris de ce magnifique Gymnase, du Marché et des Portiques dont Strabon fait mention, sans parler des anciens Temples de la ville. Le Pacha campa avec toute sa Maison au pied des murailles, entre la ville et le fauxbourg. Pour nous qui étions regardez comme des profanes, quoiqu’on nous traitât chez le Pacha le plus honnêtement du monde, nous logeames dans le fauxbourg chez un Grec qui vendoit de fort bon vin de treille, car on n’y voit point de vignes basses. Les eaux y sont excellentes, et l’on y cultive des Oliviers d’une grandeur assez raisonnable : mais quelque belle que soit cette campagne, elle ne produit que des plantes assez communes, si l’on en excepte une espece d’Asinthe qui naît dans le sable le long de la marine, et qui suivant les aparences doit être l’Absinthe Pontique des anciens, laquelle je crois n’avoir été connüe d’aucun auteur moderne. Peut-être qu’elle est plus commune vers les embouchûres du Danube, car Ovide assûre que les champs n’y produisent rien de plus ordinaire que l’absinthe. Peut-être aussi qu’il parle en poëte, et qu’il ne se sert du mot d’Absinthe, que pour mieux faire sentir les amertumes de son exil.

La plante dont nous parlons est un sous-arbrisseau de la hauteur de deux pieds, dur, touffu, et branchu dés le bas où il est gros comme le petit doit et roussâtre. Le reste, de même que les branches, en est cotoneux et blanc. Toute la plante est garnie de feüilles de même couleur, assez molles, presque rondes, larges de deux pouces ; mais découpées plus menu que cette espece que l’on cultive dans les jardins sous le nom de la petite Absinthe, ou de l’Absinthe de Galien. Des aisselles des feüilles de nôtre Absinthe du Pont, naissent des branches et des brins