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Riva que je viens d’appeller une riviere, n’est pourtant qu’un ruisseau large à peu prés comme celui des Gobelins, tout bourbeux, et dont l’embouchûre peut à peine servir de retraite à des bateaux ; cependant les anciens en ont fait sonner le nom bien haut, sous celui de Rhebas. Denys le Geographe, qui a fait trois vers en sa faveur, l’appelle une aimable riviere ; Apollonius le Rhodien au contraire en parle comme d’un torrent rapide. Il n’est pourtant ni aimable ni rapide aujourd’hui, et suivant toutes les apparences, il n’a jamais êté ni l’un ni l’autre. Ses sources sont vers le Bosphore, du côté de Sultan Solyman Kiosc, dans un pays assez plat d’où il coule dans des prairies marécageuses parmi des roseaux. Il n’est pas surprenant que Phinée eût donné une idée si affreuse de ce ruisseau aux Argonautes, lui qui regardoit les Isles Cyanées comme les ecueils les plus dangereux de la mer. Arrien compta 11 milles et 250 pas depuis le Temple de Jupiter jusqu’à la riviere Rhebas, c’est à dire depuis le nouveau Château d’Asie jusqu’à Riva ; cet auteur est d’une exactitude admirable, et personne n’a si bien que lui connu la mer Noire, dont il a décrit toutes les côtes aprés les avoir reconnües en qualité de Général de l’Empereur Adrien, à qui il en dédia la description sous le nom du Periple du Pont-Euxin.

Je ne sçai pas comment on faisoit du temps de cet Empereur pour faire débarquer les femmes : mais je sçai bien qu’à present chez les Turcs on fait retirer tout le monde fort brusquement lors qu’elles veulent mettre pied à terre ; les matelots mêmes se cachent aprés avoir ajusté des planches qui leur servent de passage ; et s’il se trouve des endroits où les caïques ne puissent pas avancer jusques au sable, on enveloppe les Dames, ou pour mieux dire on les emballe dans cinq ou six couvertures.