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belles dens. Combien de crocheteurs passeroient aujourd’hui pour des heros, si ces sortes de jeux revenoient à la mode ? Amycus étoit d’une taille au dessus de la riche, semblable, dit le poëte, à celle de ces grands hommes que la terre en colere enfanta pour opposer à la puissance de Jupiter. Cependant ce terrible champion trouva son maître. Il fit, selon sa coutume, un insigne deffi au plus brave des Argonautes qui se présenterent sur les côtes de son Royaume. Pollux frere de Castor, et fils de Jupiter et de Leda, Pollux, dis-je, le plus grand lutteur des Grecs, vigoureux comme un jeune Lion, terrassa ce Colosse, quoi qu’à peine ses joües eussent déja du poil follet. Ils commencerent d’abord à se pousser rudement, comme des beliers qui veulent se culbuter ; aprés les premieres secousses, on prit le Ceste à la main, et l’on entendit des coups semblables à ceux des marteaux dont on se sert pour enfoncer les planches d’un navire, c’est la comparaison d’Apollonius ; et c’est ainsi que dans ces temps là on entendoit raisonner les machoires et les joües des Athletes ; chacun frappoit impitoyablement sur son compagnon, les dens en tremoussoient et s’en alloient enfin en petits chicots. Quoique bien souvent le Ceste ne fût qu’une courroye de cuir fort sec et fort endurci, il portoit cependant des coups meurtriers quand on savoit les appliquer à propos. Nos heros fatiguez de ce premier début, aprés s’estre essuyez le visage, en vinrent aux gourmades et aux coups de poing ; ils se colletérent apparemment, car le fils de Jupiter donna un croc en jambe à celui de Neptune, lequel tomba par terre si rudement, que les os de l’oreille, quoique les plus durs de la teste, en furent cassez : ainsi mourut Amycus qui avoit vaincu tant d’étrangers et tant de ses sujets. Apollodore et Valerius Flaccus, qui décrivent sa mort d’une autre maniére, conviennent pourtant qu’il perit par les mains de Pollux.