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Toutes ces pieces ne font ordinairement que circuler : car à mesure que l’Empereur en donne quelques-unes à des Pachas, il en reçoit d’autres quand ils meurent, ou quand ils sont déposez.

La quatriéme chambre est proprement le Thresor public : elle est pleine de coffres forts, armez de bandes de fer, et fermant chacun à deux cadenats, on y met toutes les especes d’or et d’argent. La porte de cette chambre est scellée du cachet du Grand Seigneur, qui en garde une clef, et l’autre reste entre les mains du Grand Visir. Avant que de détacher le sceau on vérifie exactement s’il n’a point reçeu d’alteration, et cela se fait ordinairement les jours de Conseil : pour lors on enferme dans ces coffres les nouvelles recettes, ou l’on en tire les sommes destinées au payement des Troupes et à d’autres usages : le Grand Visir y fait appliquer ensuite de nouveau le cachet de l’Empereur.

A l’égard de l’or il passe dans le thresor de l’épargne du Grand Seigneur, qui est une entre-sale ou souterrain vouté, dans lequel personne n’entre que ce Prince accompagné de quelques pages du thresor ; l’or y est mis dans des sacs de cuir de quinze mille sequins chacun, et tous ces sacs sont dans des coffres forts. Quand il se trouve assez d’or dans la quatriéme chambre pour en remplir deux cens sacs, le Grand Visir en avertit Sa Hautesse, laquelle se rend au thresor pour les faire transporter dans son épargne, et pour les cacheter Elle-même. Il fait ordinairement ses largesses ce jour-là, tant aux Pages qui l’accompagnent dans le thresor secret, qu’aux Grands qui le suivent jusques à la porte, et qui restent dans la quatriême chambre avec le Grand Visir.

Si les guerres épuisent toutes ces sommes, ou que l’Etat soit dans une pressante necessité, les thresors des