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Euxin devoit se changer en marais ; et même il ne croyoit pas que le temps en fût trop éloigné, parce que, disoit-il, le limon que les rivieres y charrient devoit former une barre de vase capable d’en embarrasser l’emboucheure, de même que de son temps on voyoit une barre considérable de vase aux bouches du Danube. Heureusement pour les Turcs, à qui le commerce de la mer Noire procure tant de sortes de biens, le Bosphore s’est conservé, et peut-être est-il devenu plus grand ? Quoiqu’il en soit, il n’y a pas lieu de craindre qu’il s’y forme de barre ; cela n’arrive qu’à l’emboucheure des rivieres, dont les eaux sont repoussées vers les terres par les vagues de la mer, et par les marées. Rien ne fait rebrousser les eaux de la mer Noire ; le Bosphore au contraire est un canal de décharge, où les eaux coulant d’elles-mêmes par des endroits étranglez, pour ainsi dire, d’espace en espace, augmentent la vitesse et entrainent tout ce qui pourroit s’opposer à leur cours. Par rapport aux marées, Strabon a remarqué qu’il n’y en avoit point dans le Bosphore, et Mr le Comte Marsilly a observé qu’elles n’y étoient pas sensibles. Quelque rapide que soit ce Bosphore, ses eaux ne laissent pas de se geler dans les plus grands hivers. Zonare assûre qu’il y en eut un si rude sous Constantin Copronyme, que l’on passoit à pied sur la glace de Constantinople à Scutari ; la glace soutenoit même les charrettes. Ce fut bien autre chose en 401. sous l’Empire d’Arcadius, la mer Noire fut glacée durant 20 jours, et quand la glace fut rompuë, on en voyoit passer devant Constantinople des monceaux effroyables.

Dans la belle saison, les côtes du Bosphore sont charmantes, de quelque côté qu’on les considere. Les villages et les maisons de campagne dispersées parmi les forêts, font des paysages fort agréables, entrecoupez de col-