Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

delà de celles d’Afrique. Les Isles Canaries, les Açores et l’Amerique en sont peut-être encore des restes ; et on ne sera pas surpris qu’elles ayent eté peuplées par les descendans d’Adam et de Noé, ni que leurs peuples ayent eû l’usage des mêmes armes que les anciens peuples d’Asie et d’Europe, c’est à dire de l’arc et des fléches.

Pline auroit donc mieux fait de s’en tenir au sentiment de quelques auteurs qui ne lui étoient pas inconnus, et qui de son aveu faisoient venir les eaux dans l’Ocean du Nord au Midi. Comment juger du cours d’une eau dormante ? de la Saone par exemple, ou de la Marche, si ce n’est pas les courans qui passent sous les arches de leurs ponts ? or ces courans sont manifestes dans les Bosphores dont il s’agit. Il n’y a qu’une circonstance qui puisse favoriser le sentiment de Pline, c’est la saleûre de l’eau de toutes ces mers ; il n’est pas possible de rendre raison comment ces grands Lacs dont nous avons parlé, et qui ne se sont formez que par la décharge des rivieres d’eau douce, sont devenus salez. Mais outre la communication de l’Ocean avec la Mediterranée, il est certain que les eaux de la mer Noire sont beaucoup moins salées que celles de nos mers ; et d’ailleurs les terres qui sont autour de la mer Noire sont toutes remplies de sel fossile qui se dissout continuellement dans ses eaux : ce sel mêlé avec une portion de soufre que fournit l’huile des poissons qui s’y pourrissent continuellement, augmente ce degré de saleûre, et communique ce filet d’amertume si sensible dans l’eau marine. La mer Caspienne par la même raison est aussi salée que les autres mers, quoiqu’elle ne paroisse qu’un étang où il ne se décharge que des eaux douces.

Avant que de revenir au canal de la mer Noire, il est bon de remarquer que la prophetie de Polybe ne s’est pas accomplie. Ce bon homme s’étoit imaginé que le Pont