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çeûrent bien de l’irruption que le Pont Euxin fit dans la Propontide par l’embouchûre des Isles Cyanées ; car le Pont Euxin que l’on regardoit dans ce temps-là comme un grand Lac, augmenta de telle sorte par la décharge des rivieres qui s’y dégorgeoient, qu’il déborda dans la Propontide et inonda une partie des villes de la côte d’Asie, lesquelles sans doute se trouvoient plus basses que celles d’Europe. Malgré cette situation les eaux monterent jusques sur les plus hautes montagnes de Samothrace, et firent changer de face à tout le pays. Les Insulaires en avoient encore la tradition du temps de nôtre Historien, qui par là nous a conservé une des plus belles observations de l’antiquité ; cart il est certain que ce changement est arrivé long-temps avant le voyage des Argonautes, et ces heros n’entreprirent ce voyage que 1263 ans avant Jesus-Christ. Cela étant, ce que nous venons de proposer comme une conjecture de physique, devient une verité historique, et doit nous persuader que le grand écoulement de la Propontide dans la Mediterranée, s’étoit fait long-temps auparavant par la même mécanique.

Il est fort vrai-semblable que les eaux de la Propontide, qui n’étoit peut-être anciennement qu’un Lac formé par les eaux du Granique et du Rhyndacus, ayant trouvé plus de facilité à se creuser un canal aux Dardanelles, que de se faire un autre passage, se répandirent dans la Mediterranée, et décharnérent, pour ainsi dire, les rochers à force de laver les terres. Les Isles de la Propontide ne sont autre chose que les restes des rochers que les eaux ne purent dissoudre, de même que celles qui ont tant fait de bruit dans l’antiquité sous le nom des Isles Cyanées d’Europe et d’Asie à l’embouchure de la mer Noire. Il semble que les Isles sont comme autant de cloux attachez au