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côtes en sont horriblement escarpées : ainsi les eaux de la mer Noire furent obligées de passer dans l’endroit où il n’y avoit que du terrein : c’est dans ce terrein qu’elles commencerent à se creuser un canal en se presentant de front par une colomne qui amollit les terres et les emporta par differentes secousses. Les eaux, suivant cette hypothese, se firent d’abord une ouverture en ligne droite entre les deux rochers où sont les nouveaux Châteaux, et détremperent les terres qui occupoient le premier coude où sont les Golphes de Saraïa et de Tharabié, contraintes de se tenir dans un bassin bordé de rochers fort élevez ; mais leur pente naturelle les fit descendre ensuite jusques au Kiosc de Solyman II ; et de là changeant de détermination par la rencontre d’autres nouveaux rochers, elles formérent le second coude du canal dont les terres obéirent du côté du Midi.

Cette route avoit eté sans doute tracée par l’auteur de la nature, qui se servit des eaux pour creuser les terres dont elle étoit remplie ; car suivant les loix du mouvement qu’il a établies, elles se jettent toujours du côté qui s’oppose le moins à leur cours. Celles de la mer Noire continuerent donc à charrier les terres qui se trouvoient entre les deux rochers où sont les vieux Châteaux, et par là elles pousserent leur canal jusques à la pointe du Serrail, dont le fond est une roche vive et inébranlable. Ce bras de mer emporta peut-être tout d’un coup la digue de terre qui restoit entre Constantinople et le Cap de Scutari, d’où il se dégorgea dans la mer de Marmara.

C’est dans ce temps-là, suivant les apparences, qu’arriva cette grande inondation dont parle Diodore de Sicile l’un des plus fideles Historiens de l’antiquité. Cet auteur assûre que les peuples de Samothrace, Isle considérable située à gauche de l’entrée des Dardanelles, s’aper-