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de la longueur d’un mille, ou d’un mille et demi. Ainsi les eaux de la mer Noire entrent avec assez de vitesse dans le canal des nouveaux Châteaux, et s’étendent en liberté dans les golphes de Saraïa et de Tharabié. De là sans augmenter de vitesse, ces eaux tirent vers le Kiosc du Sultan Solyman, d’où elles sont obligées de se réfléchir vers le midi, sans que leur mouvement paroisse augmenté, si ce n’est entre les vieux Châteaux où le lit est le plus étroit.

Dans cet endroit-là, comme le remarque Polybe, outre que le rétrécissement du canal augmente la vitesse des eaux ; elles se réfléchissent obliquement du cap de Mercure, sur lequel est le vieux château d’Europe, contre le cap de Candil-bachesi en Asie, et reviennent en Europe vers Courichismé au cap des Esties, d’où elles enfilent la pointe du Serrail. Voilà ce que Polybe en a observé de son temps, c’est à dire du temps de Scipion et de Lœlius avec lesquels il étoit lié d’amitié. Pour moi j’avoüe que je n’ai pû remarquer ce mouvement en zig-zag, en deçà des Châteaux, quoi-que j’aye passé quatre ou cinq fois sur ce canal ; mais il est certain qu’avec un vent de Nord, la rapidité est si grand eentre les deux Châteaux, qu’il n’y a point de bâtiment qui s’y puisse arrêter, et qu’il faut un vent opposé au courant pour les faire remonter : cependant la vitesse des eaux diminuë si sensiblement, que l’on monte et que l’on descend sans peine, lorsque les vents ne sont pas violens.

Indépendamment des vents, il y a des courans fort singuliers dans le canal de la mer Noire ; le plus sensible est celui qui en parcourt la longueur depuis l’embouchûre de la mer Noire, jusques à la mer de Marmara qui est la Propontide des anciens. Avant que ce courant y entre, il heurte en partie contre la pointe du Serrail, comme Polybe, Xiphilin, et aprés eux Mr Gilles, l’ont remarqué ; car une par-