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leurs départemens et payent les charges sur les assignations de la Porte. Ils envoyent tous les trois mois aux Thrésoriers de l’Empire les deniers qui sont en leurs mains ; et ceux-ci sont comptables au Grand Visir des recettes des Provinces.

Les revenus casuels du Grand Seigneur, consistent en successions ; car suivant les loix de l’Empire, le Prince est l’heritier des grands et des petits à qui il a donné des pensions pendant leur vie, il herite même des gens de guerre s’ils meurent sans enfans. S’ils ne laissent que des filles, il retire les deux tiers de l’heritage, et ce tiers ne se prend pas sur les fiefs, car ils sont naturellement au Prince ; mais sur les terres indépendantes des fiefs, comme sur les jardins et sur les fermes, sur l’argent comptant, sur les meubles, sur les esclaves, sur les nippes, les chevaux etc. Les parens n'oseroient détourner quoique ce soit de la succession ; il y a des officiers établis pour y veiller, et si ils le faisoient tout seroit confisqué au profit du Sultan.

Les dépoüilles des Grands de la Porte et des Pachas montent à des sommes immenses, et c’est ce qui fait qu’on ignore jusques où vont les revenus du Grand Seigneur. Bien souvent on n’attend pas que les Grands meurent de mort naturelle, ni qu’ils ayent le temps de cacher leurs thresors : on porte au Serrail leur or, leur argent, leurs joyaux et leurs têtes. La déposition des Pachas n’est pas le seul avantage qui en revient au Grand Seigneur ; celui qui succéde au gouvernement d’un Pacha déposé, paye pour sa bienvenuë une somme considerable. Tous ceux que le Sultan gratifie d’une viceroyauté, ou d’une charge de consequence, sont indispensablement obligez de lui faire des presens, non pas selon leurs facultez ; car souvent ce sont des gens élevez dans le Serrail, où ils n’ont pû presque rien amasser : mais il faut que ces presens répondent à la