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moins il se contenta de les releguer dans leur couvent de Cogna. Ils ont encore une maison à Pera, et une autre sur le Bosphore de Thrace. Nous entendîmes la predication dans leur couvent de Pruse en Bithynie, et nous les vîmes danser avec plaisir au travers des barreaux de la Mosquée.

Des marchands Armeniens de nôtre caravane, qui parloient Italien, nous expliquérent une partie de la predication. Le principal sujet rouloit sur Jesus-Christ ; le predicateur déclama contre les Juifs, mais de sang froid car ils ne s’emportent jamais, et il trouva fort mauvais que les Chrétiens crussent que les Juifs avoient fait mourir un si grand Prophete ; il assûra au contraire qu’il passa dans le ciel, et que les Juifs avoient crucifié une autre personne à sa place.

Je ne scaurois finir cette lettre par un plus bel endroit, qu’en parlant de l’estime que les Turcs font de Jesus-Christ. Il n’est pas vrai qu’ils vomissent des blasphémes contre lui, comme quelques voyageurs l’ont assûré. Si les Turcs ont le malheur de ne pas croire la Divinité de Jesus-Christ, ils le révérent au moins comme un grand ami de Dieu, et sur tout comme un grand intercesseur auprés du Seigneur. Ils conviennent qu’il a eté envoyé de Dieu pour apporter une Loi pleine de grace ; et s’ils nous traittent d’infidelles, ce n’est pas parce que nous croyons en Jesus-Christ, c’est parce que nous ne croyons pas que Mahomet soit venu aprés lui pour anoncer une autre Loi moins opposée à la nature corrompuë.

J’ay l’honneur d’être avec un profond respect, etc.