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Les principaux exercices des Dervis, sont de danser le mardi et le vendredi ; cette espece de comédie est precedée par une predication qui se fait par le superieur du couvent, ou par son subdélegué. On assûre que leur morale est bonne, et qu’on en peut faire un excellent usage, de quelque religion que l’on soit. Les femmes qui sont bannies de tous les endroits publics où il y a des hommes, ont la permission de se trouver à ces prédications, et elles n’y manquent pas. Pendant ce temps-là les Religieux sont renfermez dans une balustrade, assis sur leurs talons, les bras croisez et la tête baissée. Aprés le sermon, les chantres placez dans une galerie qui tient lieu d’orchestre, accordant leurs voix avec les flûtes et les tambours de basque, chantent un hymne fort long. Le superieur en étole et en veste à manches pendantes, frappe des mains à la seconde strophe ; à ce signal les moines se levent, et aprés l’avoir salué d’une profonde reverence, ils commencent à tourner l’un aprés l’autre, en prioüettant avec tant de vitesse, que la juppe qu’ils ont sur leur veste s’élargit et s’arrondit en pavillon, d’une maniere surprenante : tous ces danseurs forment un grand cercle tout-à-fait réjoüissant, mais ils cessent tout d’un coup au premier signal que fait le supérieur, et ils se remettent dans leur premiere posture, aussi frais que s’ils n’avoient pas remué. On revient à la danse au même signal par quatre ou cinq reprises, dont les dernieres sont bien plus longues à cause que les moines sont en haleine ; et par une longue habitude ils finissent cet exercice sans en être étourdis. Quelque veneration qu’ayent les Turcs pour ces Religieux, ils ne leur permettent pas d’avoir beaucoup de couvens, parce qu’ils n’estiment pas les personnes qui ne font point d’enfans. Sultan Mourat vouloit exterminer les Dervis comme gens inutiles à la Republique, et pour qui le peuple avoit trop de considération ; nean-