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quées, de benir les mariages, d’assister les agonizans, et d’accompagner les morts. Pour consoler les agonizans qui ont des dettes lesquelles ils ne sauroient acquiter, le Curé fait venir leurs créanciers, et les exhorte à remettre leurs obligations sous le chevet des moribonds, ou a déclarer devant témoins qu’ils ne leur demandent rien : les créanciers qui sont assez durs pour refuser cette grace, sont réputez mal honnêtes gens.

On lave les morts avec beaucoup de soin en Turquie, on les raze par tout le corps, on brûle de l’encens autour d’eux pour en éloigner les mauvais esprits, on les ensevelit ensuite dans un drap dont le haut et le bas ne sont point cousus. Ils ont leur raison pour cela ; car ils s’imaginent que lorsque le mort est dans la fosse, deux Anges viennent le faire mettre à genoux pour lui faire rendre compte de ses actions ; c’est pour cela que la pluspart des Turcs laissent une houppe de cheveux sur leur tête pour donner prise à l’Ange qui leur fait changer de posture. Afin que le mort soit plus à son aise, on couvre la fosse d’une espece de voûte formée par quelques planches légeres sous lesquelles on l’étend de tout de son long. Si le mort a vécu en homme de bien, deux Anges, blancs comme neige, succedent à ceux qui viennent de l’examiner, et ne l’entretiennent que des plaisirs qu’il goutera en l’autre monde ; mais s’il a eté grand pecheur, deux nouveaux Anges, noirs comme du jais, le tourmentent horriblement ; l’un, disent-ils, l’enfonce à coups de massuë dans la terre, l’autre le releve avec un crochet de fer, et ils se divertissent à ce cruel exercice jusques au jour du grand Jugement, sans discontinuer d’un seul moment.

Mahomet qui avoit à ménager les Arabes, les a servis suivant leur goût. Comme leur terre est un desert aride et sec, pour les consoler il leur a fait un paradis rempli de