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que du travail de leurs mains, et l’on montre encore à Andrinople les outils dont Sultan Mourat se servoit pour faire des fléches que l’on vendoit à son profit dans le Serrail : il y a apparence que les courtisans payoient bien cher l’ouvrage de l’Empereur. Il s’en faut beaucoup qu’on ne vive aujourd’hui dans la maison du Prince avec la même frugalité.

Les Sultans de crainte qu’on ne les trouvât desarmez, se sont fait des chaînes à eux-mêmes et à leur posterité, en instituant une milice formidable, qui subsiste également en temps de paix et en temps de guerre. Les Janissaires et les Spahis balancent tellement la puissance du Prince, quelque absolu qu’il soit, qu’ils ont quelquefois l’insolence de lui demander sa tête. Ils déposent les Empereurs et en créent de nouveaux avec plus de facilité que les troupes Romaines ne le faisoient dans leurs temps : c'est un frein pour les Sultans qui empêche la Tyrannie.

Les revenus de l’Empereur sont en partie fixe et en partie casuels ; les fixes sont les douanes ; la capitation que l’on impose sur les Juifs et sur les Chrétiens ; la taille réelle qui se prend sur les denrées que l’on retire des terres ; et les tributs annuels que le Kan des petits Tartares, les Princes de Moldavie et de Valachie, la Republique de Raguse, une partie de la Mengrelie et la Russie payent en or. Il faut ajoûter à cela cinq millions de livres que l’Egypte produit ; car de douze millions que ce grand Royaume fournit en sequins frappez dans le païs, la solde des milices et les appointemens des officiers en consomment quatre : le Grand Seigneur fait porter les trois autres à la Méque pour les presens accoûtumez ; pour l’entretien du culte ; et pour faire remplir d’eau les cisternes d'Arabie, qui sont sur le passage des Pelerins.

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