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long-temps, sur tout celles de Constantinople où l’on employe le cuir du Levant le meilleur et le plus leger. Le Sultan n’est pas mieux chaussé que les autres. On ne permet qu’aux Chrétiens étrangers de porter des pantoufles jaunes, car les sujets du Grand Seigneur, Chrétiens ou Juifs, en ont de rouges, de violettes, ou de noires : Cet ordre est si bien établi et suivi avec tant d’exactitude, que l’on distingue les gens par les pieds et par la teste, de quelque religion qu’ils soient. La grande commodité de ces pantoufles, c’est qu’on les quitte et qu’on les reprend sans peine, mais il faut y être fait ; je les perdois quelquefois au milieu des ruës les premiers jours que je commençai à m’en servir, et je ne m’en apercevois qu’un moment aprés par la douleur que je sentois aux pieds.

Nos souliers sont d’un meilleur usage, quoique les Turcs les trouvent bien lours. Leurs pantoufles ne sont bonnes que pour la belle saison, car la moindre goutte d’eau les salit ; elles ne conviennent pas aux personnes qui aiment à herboriser ; on ne sauroit entrer avec cette chaussure dans une prairie sans être blessé du moindre caillou ; il est vrai qu’on prend alors des bottines de marronquin aussi legeres que des bas drapez, ferrées au talon de même que les pantoufles ; les seuls Musulmans et les Chrétiens privilegiez les portent de couleur jaune.

Le haut de chausse des Turcs se ferme par devant au moyen d’une ceinture large de trois ou quatre pouces, qui entre dans une gaine de toile cousuë contre le drap. L’ouverture qui est par devant n’est pas plus fenduë que celle qui est par derriere, parce que les Mahometans n’urinent qu’en s’acroupissant. Leurs chemises sont de toile de cotton fort claire et fort douce, avec des manches plus larges que celles de nos femmes ; aussi dans leurs ablutions troussent-ils leurs manches au dessus du coude, et ils les arrêtent