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l’heure du berger en Turquie, de même qu’en plusieurs endroits d’Espagne ; mais cela ne se peut pratiquer que dans les grandes villes, où les femmes déreglées et celles dont les maris sont commodes, prennent un turban tandis qu’ils sont à la Mosquée ; les rendez-vous se donnent chez les Juives, où les Turques trouvent bonne compagnie, et c’est là que les étrangers sont avec elles en pleine liberté. L’amour est ingénieux par tout pays, mais quelques précautions que l’on prenne pour cacher son jeu, il arrive souvent que l’on est surpris dans les endroits où l’on croit être le plus en seûreté. L’adultere est puni rigoureusement en Turquie ; c’est dans ce cas là que les maris sont les maîtres de la vie de leurs femmes, car s’ils ont l’ame vindicative, ces malheureuses qui sont prises en flagrant délit, ou convaincuës dans les formes, sont enfermées dans un sac plein de pierres et noyées : mais la pluspart savent si bien ménager leurs intrigues, qu’elles meurent rarement dans l’eau. Quand les maris leur accordent la vie, elles deviennent quelquefois plus heureuses qu’elles n’étoient, car on les oblige à épouser leur galand, qui est condamné à mourir, ou à se faire Turc supposé qu’il soit Chrétien. Souvent le galand est aussi condamné à se promener dans les ruës sur un âne, la teste tournée vers la queüe, qu’on lui fait tenir en maniere de bride, avec une couronne de tripailles et une cravate de pareille etoffe. Aprés ce triomphe on le régale d’un certain nombre de coups de bâton sur les reins et sous la plante des pieds ; pour derniere punition il paye une amende proportionnée à son bien. Les Sauvages de Canada ne sont pas si rigoureux ; car quoiqu’ils condamnent l’adultere, ils conviennent cependant que la fragilité étant si naturelle aux deux sexes, il faut se pardonner réciproquement, si l’on fausse la foi que l’on s’est donnée sur une matiere aussi délicate.