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PREMIER AMOUR

Du reste, je n’étais pas le seul amoureux d’elle. Tous les hommes qui venaient chez les Zassékine étaient fous de la jeune fille ; et elle les tenait tous en laisse à ses pieds. Elle se faisait un jeu de faire naître en eux tantôt l’espérance, tantôt le désespoir, de les faire sauter selon son bon plaisir (elle appelait cela « cogner les hommes les uns contre les autres » ). Et eux ne songeaient même pas à lui tenir tête et se soumettaient bénévolement.

Tout son être vivace et beau était un composé attrayant de ruse et d’insouciance, d’artifice et de naturel, de calme et de mutinerie. Tout ce qu’elle faisait, disait, chacun de ses mouvements étaient empreints d’un charme fin et léger ; dans tout se trahissait une force personnelle et exubérante. Et son visage jouait et changeait aussi à chaque instant : il exprimait presque en même temps la raillerie, la langueur et la passion. Des sentiments divers,