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PREMIER AMOUR

Une autre fois, moi, en ma qualité de jeune démocrate, je me lançai en sa présence dans une dissertation sur la liberté. (Il était ce jour-là, comme je l’appelais, « bon » ; alors on pouvait parler de tout avec lui).

— La liberté ! dit-il, mais sais-tu ce qui peut donner à l’homme la liberté ?

— Quoi ?

— Sa volonté ! sa propre volonté. Elle lui donnera le pouvoir qui vaut mieux que la liberté. Sache vouloir, et tu seras libre, et tu commanderas.

Mon père, avant tout et plus que tout, voulait vivre et il vivait… Peut-être pressentait-il qu’il n’avait pas longtemps à profiter du « truc » de la vie : il mourut à l’âge de quarante-deux ans.

Je racontai en détail à mon père ma visite chez les Zassékine. À demi attentif, à demi distrait, il m’écoutait assis sur le banc et en tra-