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PREMIER AMOUR

Tu ferais mieux d’étudier pour te préparer à ton examen.

Comme je savais que les soucis de ma mère sur mes occupations devaient se borner à ces quelques paroles, je ne trouvai pas nécessaire de la contredire. Mais, après le thé, mon père me prit sous le bras, et, sortant avec moi dans le jardin, il me força à lui raconter tout ce que j’avais vu chez les Zassékine.

Mon père avait sur moi une étrange influence, et étranges étaient nos rapports. Il ne s’occupait presque pas de mon éducation, mais jamais il ne me blessait dans mon amour-propre. Il respectait ma liberté ; il était même, si on peut s’exprimer ainsi, poli avec moi… seulement il ne m’attirait jamais vers lui. Je l’aimais, je l’admirais, il me semblait un modèle de perfection. Eh ! mon Dieu ! avec quelle ardeur je me serais attaché à lui, si je n’eusse senti sans cesse sa main qui m’écartait ! En