Page:Tourgueniev - Premier Amour, trad. Halpérine-Kaminsky.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
PREMIER AMOUR

et je restai là jusqu’au matin. Les éclairs ne cessèrent pas un instant. C’était une de ces nuits que le peuple russe appelle « la nuit des moineaux ».

Je regardai la plaine sablonneuse et muette, la sombre masse du jardin Neskoutchny, les façades jaunâtres des bâtiments lointains qui semblaient, eux aussi, tressaillir sous l’étincelle de chaque faible éclair… Je regardais et je ne pouvais pas m’arracher à ce spectacle ; ces éclairs muets, ces lueurs retenues semblaient répondre aux élancements silencieux et secrets qui agitaient aussi mon âme.

Le jour commençait à poindre ; l’aube apparaissait avec des taches rouges ; à l’approche du soleil, les éclairs pâlissaient et diminuaient de plus en plus ; ils tremblaient plus rarement, et s’évanouirent enfin noyés dans la lumière saine et nette du jour revenu.

En moi aussi, les éclairs disparurent. Je