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PREMIER AMOUR

Les rires ne cessaient pas un instant. Moi, garçon élevé dans la solitude et dans la gravité, grandi dans la maison ordonnée d’une famille nobiliaire, tout ce bruit, ce brouhaha, cette joie sans façon d’écoliers en révolte, cette intimité insolite avec des jeunes gens inconnus, me montaient à la tête. J’étais tout simplement enivré comme par les vapeurs du vin.

Je me mis à rire, à bavarder plus haut que les autres, avec tant d’entrain que la vieille princesse elle-même, qui était assise dans la pièce voisine avec quelque petit clerc d’avoué appelé pour une consultation, sortit pour me contempler.

Mais je me sentais à tel point heureux que, suivant notre manière de dire, je ne soufflais pas dans mes moustaches et ne faisais attention ni aux railleries ni aux regards de travers de personne.