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PREMIER AMOUR

souscrits, geignit, se lamenta sur sa pauvreté, « pleurnicha », et se montra tout à fait sans façon : elle prisait aussi bruyamment son tabac, elle s’agitait sur son siège aussi librement que chez elle. Elle ne semblait même pas se douter qu’elle était une princesse.

En revanche, Zinaïda se tenait très grave, presque hautaine, comme une vraie princesse. Sur son visage apparaissaient une morgue et une immobilité froide, au point que je ne la reconnaissais pas. Je ne retrouvais ni ses regards, ni son sourire, quoique sous ce nouvel aspect elle me parût aussi belle. Elle était vêtue d’une légère robe de barège avec des rayures bleu de ciel. Ses cheveux tombaient en longues boucles de chaque côté de ses joues, à la mode anglaise. Cette coiffure allait très bien à l’expression froide de son visage.

Mon père était assis auprès d’elle pendant le dîner, et, avec la politesse calme et gracieuse