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PREMIER AMOUR

mère ajouta cependant qu’elle l’avait invitée à dîner pour le lendemain, elle et sa fille (en entendant les mots sa fille je plongeai mon nez dans mon assiette), car enfin elle était une voisine et elle portait un titre.

À cela mon père déclara qu’il se souvenait maintenant de ce qu’était cette dame ; dans sa Jeunesse, il avait connu le défunt prince Zassékine, un homme d’excellente éducation, mais un homme vide et léger ; qu’on l’appelait dans le monde le Parisien, parce qu’il avait habité longtemps Paris ; il était très riche, mais il avait perdu toute sa fortune au jeu ; puis, on ne sait pas pourquoi (peut-être est-ce l’argent qui l’avait tenté, quoiqu’il eût pu mieux choisir), ajouta mon père avec un sourire froid, il épousa la fille d’un certain petit fonctionnaire, et, après le mariage, il se mit à spéculer et il acheva de se ruiner complètement.