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PREMIER AMOUR

Ô jeunesse ! jeunesse ! tu ne t’inquiètes de rien ; tu sembles posséder tous les trésors du monde, la tristesse même te berce, même la mélancolie te sied, tu as l’assurance et l’insolence. Tu dis : « Regardez : Seule je vis !… » Et cependant tes jours à toi aussi passent et disparaissent sans trace, et tout en toi disparaît comme la cire au soleil, comme la neige… Et peut-être tout le mystère de ton charme consiste non pas dans la possibilité de tout accomplir mais dans la possibilité de penser que tu peux tout accomplir. Il consiste précisément en ce que tu dépenses au vent des forces que tu ne pourrais d’ailleurs employer à autre chose, et dans ce fait que chacun de nous se considère comme un prodigue et pense qu’il a le droit de dire plus tard : « Oh ! ce que j’aurais fait si je n’avais pas vainement perdu ma jeunesse ! »