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PREMIER AMOUR

tombé « comme une bombe » en Russie, et, l’exaspération sur le visage, se roulait toute la journée sur le lit.

Mon père me traitait avec une affabilité indifférente ; ma mère s’occupait fort peu de moi, quoiqu’elle n’eût pas d’autre enfant. D’autres soucis l’absorbaient.

Mon père, un homme encore jeune et très beau, avait épousé ma mère par intérêt. Elle était de dix années plus âgée que lui. Elle menait une vie assez triste : elle était constamment inquiète, jalouse, irritée, mais jamais en présence de mon père. Elle le craignait beaucoup ; quant à lui, froid et réservé, il se tenait à distance. Je n’ai jamais vu un homme aussi galamment calme, assuré et impérieux.

Je n’oublierai jamais les premières semaines que je passai dans cette maison de campagne. Le temps était magnifique. Nous y étions