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PREMIER AMOUR

Il m’arriva une fois d’apercevoir dans une des fenêtres du pavillon une tache pâle. « Est-il possible que ce soit le visage de Zinaïda ? » pensai-je. Oui, c’était son visage. Je ne pouvais plus me retenir ; je ne pouvais plus me résigner à me séparer d’elle sans lui dire un dernier adieu, je saisis un moment favorable et j’allai dans le pavillon.

Au salon, la vieille princesse m’accueillit de son air ordinaire, à la fois distrait et nonchalant.

— Qu’est-ce donc, mon petit père, que vos parents se sont imaginé de quitter la campagne sitôt dans la saison ? dit-elle en bourrant ses deux narines de tabac.

Je la regardai et je me sentis soulagé : le mot « effet souscrit » prononcé par Philippe me tourmentait : et elle paraissait ne se douter de rien. Du moins cela me semblait ainsi en ce moment.