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PREMIER AMOUR

entièrement à ma mélancolie. Mais la jeunesse, le beau temps, l’air frais, l’entrain d’une marche rapide, le délassement d’un repos sur l’herbe dans un endroit solitaire prirent le dessus. Le souvenir de mes maux inoubliables, des baisers reçus, restait toujours gravé dans mon âme mais sans amertume. Il m’était doux de penser que Zinaïda ne pouvait pas douter de mon héroïsme et de ma bravoure.

« Elle préfère les autres, pensai-je ; soit, seulement les autres disent, et moi j’agis ! et encore là se borne-t-il tout ce que je pourrais faire pour elle ? »

Et mon imagination commençait de nouveau à travailler. Je me représentais comment je la sauverais des mains d’un ennemi ; comment, couvert de sang, je la tirerais de prison et comment je mourrais à ses pieds ! Je me souvenais du tableau suspendu dans notre salon : Malek-Adel emportant Mathilde ; et tout à