Page:Tourgueniev - Premier Amour, trad. Halpérine-Kaminsky.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
PREMIER AMOUR

m’en faire pitié à moi-même ; et, ces sensations amères avaient quelque chose de très doux qui enivrait et que je goûtais…

Un jour, me trouvant sur ce mur, je regardais au loin et j’écoutais le tintement des cloches… Tout à coup je sentis comme le frémissement d’un vent qui passait sur moi, qui me frôlait ; je laissai tomber mes yeux. En bas, sur la route, dans une légère robe rose avec une ombrelle rose sur l’épaule, Zinaïda marchait d’un pas rapide. Elle m’aperçut, s’arrêta et, rejetant le bord de son chapeau de paille, elle leva sur moi ses yeux de velours.

— Que faites-vous là sur une pareille hauteur ? me demanda-t-elle avec un étrange sourire. Voilà, vous m’assurez toujours que vous m’aimez ; sautez sur la route, si réellement vous m’aimez.

À peine avait-elle prononcé ces mots, que je volai en bas comme si quelqu’un me pous-