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PREMIER AMOUR

Zinaïda, avançant la main, arracha une herbe, la mordit et la rejeta au loin.

— Vous m’aimez beaucoup ? demanda-t-elle enfin. — Oui ?

Je ne répondis rien ; à quoi bon répondre, d’ailleurs ?

— Oui, répéta-t-elle en continuant à me regarder, — c’est cela ! les mêmes yeux !… ajouta-t-elle en restant rêveuse et en cachant son visage dans ses mains. — Tout me dégoûte, murmura-t-elle. Je fuirais au bout du monde… Il m’est impossible de vaincre, et je ne puis pas me maîtriser… Et qu’est-ce qui m’attend dans l’avenir ?… Ah ! que cela me pèse !… Combien cela me pèse !…

— Quoi ? demandai-je timidement.

Zinaïda ne me répondit pas ; elle ne fit que hausser les épaules.

Je continuai à rester à genoux et à la regarder avec une profonde tristesse. Chacune