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PREMIER AMOUR

mal et elle avait eu déjà deux explications avec le commissaire de police.

Un jour je passais dans le jardin, en longeant la haie déjà connue, et j’aperçus Zinaïda ; accoudée sur ses deux mains, elle était assise sur l’herbe et ne remuait pas. J’étais sur le point de m’éloigner avec précaution, mais elle leva tout à coup la tête et me fit un signe impératif. Je restai immobile sur place. Je ne l’avais pas comprise ; elle fit de nouveau le même signe. Aussitôt j’enjambais la haie, et, tout joyeux, je courais vers elle ; elle m’arrêta en me désignant un sentier à deux pas. Troublé, ne sachant que faire, je me mis à genoux sur le bord du sentier. Elle était si pâle, une tristesse si amère, une fatigue si profonde se peignaient dans chacun de ses traits, que mon cœur se serra, et que, malgré moi, je murmurai :

— Qu’avez-vous ?