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de Schubert, et cette suave mélodie se répandait comme l’odeur du miel dans les airs.

— Qu’est-ce que j’entends-là ? dit Bazarof d’un air surpris.

— C’est mon père.

— Ton père joue du violoncelle ?

— Oui.

— Mais quel âge a-t-il donc ?

— Quarante-quatre ans.

Bazarof partit d’un éclat de rire.

— Pourquoi ris-tu ?

— Comment ? un homme de quarante-quatre ans, un paterfamilias, joue dans le district de X… du violoncelle ? »

Bazarof se mit à rire de plus belle ; mais Arcade, quel que fût le respect qu’il portât à son maître, ne se sentit pas la moindre envie de l’imiter cette fois.


X


Près de deux semaines se passèrent ainsi. La vie des habitants de Marino s’écoulait uniformément ; Arcade faisait le sybarite et Bazarof travaillait. On s’était habitué à lui, à son sans-façon, à sa parole brève et brusque. Fénitchka surtout s’était tellement familiarisée avec lui, qu’une nuit elle le fit réveiller ; Mitia avait été pris de convulsions. Bazarof vint, resta près de deux heures, tantôt riant, tantôt bâillant, et soulagea l’en-