sance avec la princesse. À son retour des pays étrangers, il avait été le rejoindre et se proposait de passer auprès de lui deux ou trois mois, à jouir de son bonheur ; mais il le quitta au bout d’une semaine. Son frère et lui différaient alors trop l’un de l’autre. Cette dissemblance avait beaucoup diminué en 1848 ; Nicolas était devenu veuf, et Paul, qui venait de perdre l’objet de ses souvenirs, essayait de n’y plus penser. Mais il restait à Kirsanof la satisfaction d’avoir mené une vie régulière ; son fils grandissait sous ses yeux ; Paul, au contraire, triste célibataire, entrait dans le crépuscule de la vie, dans cette période néfaste de regrets qui ressemblent à des espérances, et d’espérances qui ressemblent à des regrets, lorsque la jeunesse est déjà passée, et que la vieillesse n’est pas encore venue. Ce temps devait paraître plus pénible à Paul qu’à tout autre : ayant perdu son passé, il avait tout perdu.
— Je ne t’invite plus à venir à Marino, lui dit un jour Kirsanof (il avait donné à cette campagne le nom de Marino en souvenir de sa femme) ; tu t’y ennuyais du vivant de Marie ; ce serait bien pis aujourd’hui.
— C’est que j’étais alors trop vain et trop préoccupé, répondit Paul ; je suis plus calme maintenant, si ce n’est plus sage. Aussi n’hésiterais-je point à te suivre et à me fixer pour toujours auprès de toi, si tu me le permettais.
Pour toute réponse Kirsanof l’embrassa ; il s’écoula pourtant encore plus d’un an avant que Paul se dé-