changé tout cela ; que Dieu vous donne la santé et le grade de général[1] ; nous nous contenterons de vous admirer, messieurs les… comment dis-tu ?
— Les nihilistes, répondit Arcade en appuyant sur chaque syllabe.
— Oui, nous avions des hégéliens ; maintenant ce sont des nihilistes. Nous verrons comment vous ferez pour exister dans le néant, dans le vide, comme sous une machine pneumatique. Et maintenant, mon cher frère, fais-moi le plaisir de sonner ; je voudrais prendre mon cacao.
Nikolas Petrovitch sonna et s’écria « Douniacha ! » Mais, au lieu de Douniacha, ce fut Fénitchka elle-même qui parut. C’était une jeune femme de vingt-trois ans environ, blanche et rondelette, aux yeux noirs et aux cheveux foncés ; ses lèvres étaient rouges et pleines comme celles d’un enfant et ses mains mignonnes et délicates. Son costume se composait d’une robe d’indienne, et d’un fichu bleu tout neuf jeté sur ses épaules arrondies ; elle tenait à la main une grande tasse de cacao ; en la plaçant devant Paul, elle semblait toute décontenancée et la peau fine et transparente de son gracieux visage se colora d’une vive rougeur. Elle baissa les yeux et s’arrêta près de la table, en s’y appuyant du bout des doigts. On eût dit qu’elle se reprochait d’être venue et sentait en même temps qu’elle n’était pas venue sans en avoir le droit.
- ↑ Proverbe russe.