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ringats du bosquet commençaient à donner de l’ombrage, et l’on s’établissait parfois en ce lieu pour dîner ou pour prendre le thé. Bazarof parcourut rapidement tous les sentiers du jardin, visita la basse-cour, l’écurie, découvrit deux petits dvorovi[1] avec lesquels il eut bientôt fait connaissance, et partit avec eux pour aller pêcher des grenouilles dans un marais, à une verste de la maison,

« Pourquoi veux-tu avoir des grenouilles, maître ? lui demanda un des enfants.

— Je vais te l’expliquer, lui répondit Bazarof qui avait le don particulier d’inspirer de la confiance aux personnes de la classe inférieure, quoique, loin de leur témoigner aucune condescendance, il les traitait d’ordinaire assez dédaigneusement. J’ouvre les grenouilles et j’examine ce qui se passe dans leur intérieur : comme toi et moi nous sommes aussi des grenouilles, mais des grenouilles qui marchent sur deux pieds, cela m’apprend ce qui se passe dans notre propre corps.

— Et qu’as-tu besoin de le savoir ?

— Afin de ne pas me tromper, si tu tombes malade et que je sois obligé de te traiter.

— Tu es donc un doucteur ?

— Oui.

— Vaska, écoute ici ; le maître qui dit que nous sommes des grenouilles !

  1. Voir la note page 13.