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entrait dans la cour de sa petite maison. Ne se rendant point compte de ce que cela pouvait signifier, mais saisi d’un accès de joie irréfléchie, il courut à la porte. Un laquais en livrée ouvrait la voiture, et une femme en mantille noire et la figure cachée par un voile en descendait…

— Je suis madame Odintsof, dit-elle. Eugène Vassiliévitch est-il encore en vie ? Vous êtes son père ? J’ai amené un médecin.

— Soyez bénie ! s’écria Vassili Ivanovitch, et lui saisissant la main il la pressa convulsivement sur ses lèvres, pendant que le médecin dont venait de parler madame Odintsof, un petit homme à lunettes et à la physionomie allemande, sortait lentement de la voiture. — Il est encore vivant, mon Eugène, et il sera sauvé maintenant ! Ma femme ! ma femme ! un ange nous est arrivé du ciel…

— Qu’y a-t-il ! grand Dieu ! balbutia Arina Vlassievna qui accourut du salon, et, tombant aux pieds d’Anna Serghéïevna dans l’antichambre même, elle se mit à lui baiser la robe, comme une insensée.

— Que faites-vous ! que faites-vous ! lui dit Anna Serghéïevna ; mais Arina Vlassievna ne l’écoutait point, et Vassili Ivanovitch ne cessait de répéter : Un ange ! un ange du ciel !

Wo ist der Kranke ? Où est le malade ? demanda enfin le docteur d’un air impatient.

Ces mots rappelèrent Vassili Ivanovitch à la raison.