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sorties auxquelles Bazarof se livrait étant bien portant, et il en parut enchanté.

— Bravo ! c’est parfaitement vrai et bien dit. Bravo ! s’écria-t-il en faisant semblant de battre des mains.

Bazarof sourit tristement.

— Qu’en penses-tu décidément, demanda-t-il à son père ; la crise est-elle passée ou se déclare-t-elle ?

— Tu te trouves mieux, voilà ce que je vois, voilà ce qui me réjouit, répondit Vassili Ivanovitch.

— À merveille ! il est toujours bon de se réjouir. Mais a-t-on envoyé là-bas ?… Tu sais ?

— Certainement.

Le mieux ne fut pas de longue durée. Les accès se renouvelèrent. Vassili Ivanovitch se tenait auprès de son fils ; une angoisse toute particulière semblait tourmenter le vieillard. Il essaya vainement plusieurs fois de parler.

— Eugène ! s’écria-t-il enfin, mon enfant ! mon cher, mon bon fils ! — Cet appel inattendu fit impression sur Bazarof… Il tourna un peu la tête, tenta visiblement de rejeter le poids qui pesait sur son intelligence, et dit : Quoi, mon père ?

— Eugène, continua Vassili Ivanovitch, et il tomba à genoux près de Bazarof, quoique celui-ci tînt ses yeux fermés et ne pût le voir. — Eugène, tu te sens mieux, et tu guériras avec la grâce de Dieu… Mais profite de cet instant, procure à ta pauvre mère et à moi la plus grande des satisfactions ; remplis tes devoirs de chrétien ! Il m’a fallu un grand courage pour te