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froids… un vomitif… des sinapismes sur l’estomac… une saignée ! disait-il avec effort. Le médecin qu’il avait supplié de rester, l’approuvait, donnait de la limonade au malade, et demandait pour lui-même tantôt une pipe, tantôt du fortifiant et du réchauffant, c’est-à-dire de l’eau-de-vie. Arina Vlassievna restait assise sur un petit banc près de la porte, et ne quittait par moments cette place que pour aller prier. Peu de jours auparavant, elle avait laissé tomber son miroir de toilette qui s’était brisé, ce qu’elle avait toujours considéré comme un présage des plus sinistres ; Anfisouchka elle-même ne savait que lui dire. Timoféïtch était parti avec le message du mourant pour madame Odintsof.

La nuit fut mauvaise pour Bazarof…, il était en proie à une chaleur dévorante. Son état s’améliora un peu avec le jour ; il pria Arina Vlassievna de le peigner, lui baisa la main et avala deux ou trois cuillerées de thé. Vassili Ivanovitch reprit un peu d’espoir.

— Dieu soit loué ! répétait-il, la crise s’est déclarée… la crise est passée…

— Voyez, dit Bazarof, ce que peut un mot ! Ce mot de crise lui est venu à l’esprit, et il en est tout consolé. C’est une chose étrange que l’influence qu’ont les mots sur les hommes ! Qu’on appelle un homme imbécile sans le battre, et il en est tout affecté ; qu’on le complimente sur son esprit sans lui donner de l’argent, et il se sent heureux.

Ce petit discours rappela à Vassili Ivanovitch les