prier Bazarof de venir la voir dans son cabinet, et lui tendit avec un rire contraint une feuille de papier à lettres pliée en deux. C’était une lettre d’Arcade ; il demandait la main de Katia.
Bazarot parcourut rapidement la lettre, et fit un effort sur lui-même pour contenir un sentiment de satisfaction méchante.
— À merveille ! dit-il ; pourtant vous prétendiez, hier encore, qu’il ne ressentait pour Katerina Serghéïevna qu’un amour fraternel ? Que comptez-vous lui répondre ?
— Que me conseillez-vous de faire ? répondit madame Odintsof en continuant à rire.
— Je suppose, reprit Bazarof en riant aussi, quoiqu’il ne s’en souciât pas plus qu’elle, je suppose, qu’il faut leur donner votre bénédiction. Le parti est bon sous tous les rapports ; la fortune des Kirsanof est assez considérable ; Arcade est fils unique, et son père est un brave homme qui ne le tracassera en rien.
Madame Odintsof fit quelques pas dans la chambre ; elle rougissait et pâlissait tour à tour.
— Vous croyez ? reprit-elle ; je n’y vois pas d’inconvénient moi-même. Cela me fait plaisir pour Katia… et pour Arcade Nicolaïévich. J’attendrai, bien entendu, la réponse de son père, je l’enverrai lui-même pour la chercher. Mais tout cela prouve bien que j’avais raison hier soir, quand je vous disais que nous sommes vieux, vous et moi… Comment ne me doutais-je de rien ? cela me confond !