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obligé de s’interrompre, Katia tenait toujours les yeux baissés ; elle ne comprenait point où il voulait en venir et pourtant elle semblait attendre quelque chose.

— Je prévois que je vais vous surprendre, reprit Arcade dès qu’il eut recouvré des forces, — d’autant plus que ce sentiment se rapporte en quelque façon… en quelque façon… remarquez-le bien… à vous. Je crois me rappeler que vous m’avez reproché hier de manquer de sérieux, ajouta-t-il de l’air d’un homme qui, entré dans un marais, sent qu’il s’enfonce de plus en plus à chaque pas, et n’en continue pas moins à avancer, dans l’espoir de s’en tirer plus promptement. — Ce reproche est souvent adressé… aux jeunes gens même lorsqu’ils cessent de le mériter… et si j’avais plus de confiance en moi-même… « Viens donc à mon aide ! viens donc ! » pensait Arcade avec désespoir ; mais Katia restait toujours immobile. — Et si je pouvais espérer…

— S’il m’était permis d’avoir confiance dans vos paroles, dit tout à coup près d’eux madame Odintsof de sa voix claire et calme.

Arcade se tut immédiatement et Katia pâlit. Un petit sentier passait près des buissons qui cachaient le portique ; madame Odintsof le suivait avec Bazarof. Ni Katia ni Arcade ne pouvaient les voir, mais ils entendaient leurs paroles et jusqu’à leur respiration. Les promeneurs firent encore quelques pas et s’arrêtèrent tout juste devant le portique, comme avec intention.

— Voyez-vous, continua madame Odintsof, vous et